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"Vous tombez sous le coup de la Loi Oméga. Et ce, Il fit mine de regarder l'heure sur la grande horloge, dès aujourd'hui, minuit."
Indéniablement, c'était un Russe, à entendre son accent grave et chuintant. Une vague de murmures courut sur les danseurs et enfla immédiatement en un grondement aussi sourd que celui de la marche des soldats. Au début sous le choc, figés par la nouvelle implacable, personne n'avait réagi. Mais quelques instants passèrent, éventant la surprise et éclosait un nouveau sentiment. La colère. La juste colère. Au quart de tour, bouillonnante de rage, il n'avait guère fallu de temps pour que le caractère épris de justice de la petite foule Irlandaise ne se mette à montrer les dents, ce qui fit sourire plus intensément celui qu'Ambre allait appeler plus tard, le Moscovite.
"Le Parlement a adopté cette Loi ? Vociféra un homme, aussitôt repris par ses compatriotes hors d'eux. Quand ça ?
- Lena, Ambre serrait avec plus de force encore la main d'Helen qui tout comme elle, se sentait brusquement démunie. Dis-moi que ce n'est qu'un mauvais rêve.. Pitié..Ils n'ont pas fait cette connerie..
- Mon dieu, ils ont..Vraiment..La validation. Oh my god.. La petite épicière ne cessait de répéter ces mots, ses yeux bleu écarquillés par la stupeur.
- C'est pas vrai mais c'est pas vrai... Grognait Sirius entre ses dents, pâle comme la mort. Pourquoi on aurait rien entendu à la radio.. C'est quoi ce foutoir... ? »
C’était manifestement la question que se posait le foule, à la stupéfaction horrifiée et généralisée à présent. Pourquoi personne enfin n’était au courant ? Après quelques instants de pause, le Russe reprit aussi tranquille qu‘une banquise..
« Votre gouvernement a décidé de valider la Loi Oméga et conformément à son entrée en vigueur ce soir à minuit, heure locale, vous devrez vous conformer aux ordres de l'Union que nous représentons ici-même.
- Attendez voir, nous n'en avons même pas été avisés, et pourtant en ma qualité de Bourgmestre, j’aurais dû en avoir vent même avant vous ! Se défendit farouchement Sir Ker’Valen qui fit un pas décidé en direction de l'officier. Votre nom, que j'avise vos supérieurs de votre absence de courtoisie et surtout de votre ingérence militaire plus qu'intolérable !"
Vraisemblablement c'était un pas de trop. Avec un cliquetis effrayant et en un timing parfait, toutes les Kalachnikovs se levèrent, ayant pris pour même cible le vieil Irlandais au haut-de-forme un peu trop brave à leur goût. Les habitants se turent, soudain horrifiés. La Milice ne plaisantait pas. Et ne paraissait pas avoir une inclination à la clémence ou à la compréhension. La tension monta encore d’un cran.
"Dès demain, nous organisons le recensement. Selon l'article 135-22W, "Toutes les citoyennes en âge de procréer, résidant légalement dans l'agglomération susnommée doivent se rendre dans le service sanitaire et hospitalierqui leur sera désigné, dans les plus brefs délais, et ce pour se faire ficher. Le fichage est obligatoire. Toute contrevena...
- Je refuse ! Je vais contacter les autorités, plus compétent que vous ce ne devrait pas être compliqué à trouver !"
Le Maire avait brutalement et sèchement interrompu le capitaine au képi noir. Seulement, lui non plus n'était apparemment pas d'humeur à se faire contredire. Dans un geste vif et assuré, il avait dégainé une longue rapière d'argent, luisant d'un éclat glacé et féroce, pointe vers la gorge. Et balaya l'assemblée du regard.
"Le couvre-feu est instauré à vingt et une heure précises. L'électricité sera réglementée et coupée une demi-heure après le couvre-feu, et pas une minute de plus. Après cette limite, je ne veux plus voir personne dans les rues. Tout contrevenant s'expose à une peine sévère, pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement selon l'article L-117-B de la Loi Alpha-Prima. "L'ordre public ne saurait être troublé sans une raison valable. Grèves, et autres rassemblements ayant pour but de manifester une quelconque opinion politique, religieuse ou concernant une affaire sociale, les démonstrations à titre de loisirs tels que carnavals ou fêtes de rue non approuvées et encadrées par l'Union, ne sont pas tolérées. Si un citoyen de l'Union déroge à la règle du couvre-feu instaurée par la municipalité, il encourt une peine de prison, égale ou supérieure à un mois."
Son sourire était revenu, et n'inspirait aucune quiétude, tout comme son timbre froid et mesuré, comme celui d'une machine. Puis prestement, dans un petit sifflement aigu, le Moscovite rengaina et avec un œil satisfait, parcourut les silhouettes figées et silencieuses massées sur la Place. Kay et Sirius, accompagnés d'Orlan et Philip avec Thomas, s'étaient postés devant Helen et la violoniste aussi blêmes que des statues de marbre. L'un deux avait noté le coup d'œil de l'officier en leur direction, et avec une grimace méprisante avait préféré dissimuler derrière eux les jeunes femmes. Ca ne lui disait rien qui vaille.. La Loi Oméga… L'Irlande avait donc capitulé ? C'était la question qui hantait tous les esprits à ce moment même. Et cette histoire de fichage ? On ne leur en avait jamais parlé ni à la télévision ni à la radio, ni encore sur le réseau d'Internet parallèle !
"Au fait... Le Russe avança jusqu'à effleurer le Maire du bout de ses bottes impeccablement cirées. Si vous avez un problème avec l'ordre que je représente, plaignez vous du Capitaine Orlov Volintchek. Ils seront ravis d'avoir des nouvelles de l'escouade 22-8W."
22-8W. Orlov Volintchek.
Ces deux termes ne quitteront jamais la mémoire de la jeune Ambre Trakovaevna par la suite. Comme anesthésiée par cette nouvelle, la foule ne réagissait pas, profondément choquée. Depuis 2020, soit cinq ans auparavant, lors de l'adoption de la Loi Alpha, leur gouvernement avait promis une souveraine indépendance par rapport à l'Union, et s'était juré de ne pas adopter la seconde. Mais ils avaient rompu leur promesse et à présent elles, toutes les Irlandaises, allaient toutes devoir se plier à cette Loi stupide et immonde. Non. C'était impossible. Ces enfoirés ne les soumettraient jamais, pas l'Irlande. Ces mots lui avaient échappé d'une voix tremblante et cependant assez forte pour que Volintchek se soit retourné. Ambre pâlit encore plus violemment et la main serré sur son archer à le briser soutint sans trop sourciller le regard à présent glacial de l'officier, fermement décidée. Sous les yeux éberlués et effrayés de ses compagnons. Helen lâcha brusquement sa main, abasourdie.
« Enfoirés ? Répéta-t-il en roulant légèrement les "r"… Approchez. »
Le menton levé bien haut et une expression qui se voulait arrogante, Ambre crut que son cœur s'était arrêté et se sentait nauséeuse sous l'attitude inquisitrice et goguenarde du Russe maintenant à quelques mètres d'elle. Grand, plus grand qu'elle, et surtout d'une suffisance à vous couper le souffle. Dans ses yeux bridés et pâles, il y avait une étincelle. De celles qui vous disent que l'homme devant vous était prêt à tout, et n'avait pas forcément vos mêmes barrières morales. Un frisson froid courut le long de son échine à nu, mais dans sa robe, Ambre ne pouvait en imposer autant qu'elle le voulait. Sa couronne de muguet odorante tombant légèrement sur son front, elle l'ôta d'un geste nerveux et elle marcha, rejoignant le Maire qui était alors immobile, lui jetant des coups d'œil frénétiques afin qu'elle recule. Elle avait perdu la raison, c'était le chuchotement anxieux qui bruissait parmi les Irlandais. Et la jeune fille allait en payer le prix fort si elle ne faisait pas profil bas. Volintchek adressa un bref signe à ses hommes, qui baissèrent leurs armes d'un même mouvement, tandis qu'il ne bougea pas lui-même, se contentant d'observer l'imprudente.
"Une condamnation pour attitude insultante et outrageuse à l'encontre d'un agent représentant l'Union. Ca vous tente ? Ne comptez pas sur votre jeune âge pour attirer ma clémence.
- Vous n'en avez aucun droit ! » Répliqua Ambre d'une voix qu'elle voulait plus ferme, mais elle chevrotait affreusement.
Ambre se sentit violemment tirée en avant, sous les cris nerveux des femmes derrière elle. Deux hommes en arme venaient de la saisir par les poignets et malgré sa résistance, elle fut traînée sur environ trois mètres. Un pied nu, elle releva fébrilement le menton, effrayée, et vit le Moscovite. A quelques centimètres d'elle, et la lame au clair, il semblait l'étudier. Les machoires serrées, tout comme ses doigts autour de son archer, elle s'insufflait du courage, même si la supériorité de l'un était indiscutable sur l'autre. Son estomac était tellement noué qu’elle se demandait comment elle allait pouvoir manger pendant un mois, le ventre froid et les doigts gourds, malgré la tiédeur de l’air. Orlov Volintchek. L'Aigle du clan Volintchek, Ambre avait appris ce mot en russe avec son père il y avait plusieurs années, quand il était encore avec eux, à la maison. Et l'aigle devant elle la toisait avec un évident amusement, comme si il allait la dévorer comme un vulgaire amuse-gueule. La jeune Irlandaise n'était pourtant pas de la catégorie des personnes impressionnables.
« Ici, c'est à présent le territoire de l'Union, ou plus simplement c'est moi… Qui décide. J'ai même droit de vie ou de mort sur vous, dans ce Comté misérable du Wicklow.. »
Il avait articulé avec le plus grand soin ses derniers mots, avec une expression gourmande et dédaigneuse à la fois, comme s'il faisait rouler une confiserie sucrée sur sa langue. Et la lame d'Orlov glissa à nouveau hors de son fourreau de cuir blanc immaculé et dansa devant les yeux gris de la jeune fille devant lui, tandis qu'une mèche blonde traça sur le front d'Orlov une virgule brillante sous le képi noir. Cet homme était fait de contrastes de blanc, et de noir. Mais quelque chose disait que derrière ce regard sanguinaire, le contraste prenait fin. Comme disait si justement Philip.. Le Coté Obscur est en chacun de nous. En lui plus que les autres apparemment. Le cœur déjà bien éprouvé de la jeune Irlandaise bondit avec une telle violence qu'elle crut soudain qu'il voulait se détacher de sa poitrine. Le brusque mouvement des hommes qui la tenaient lui donnait à croire que sa punition allait lui être infligée; mais quand elle sentit une main s'agripper autour de son poignet et qu'on la happait en arrière, tout devint vraiment confus. Ambre elle-même ne saura pas très bien ce qu'il s'était passé cette nuit-là. Etait-ce le Moscovite qui avait fait le premier geste ou Kay qui avait bousculé les sbires pour la saisir ? Quoiqu'il en soit, il y eut une vague de grondements et de cris telle que le Capitaine Orlov perdit de sa superbe pendant un quart de seconde. Le calme et la sérénité la plus inquiétante étaient revenus sur son visage et la rapière brusquement dégainée dut se baisser vers le sol.
En avant première ici, je vous présente donc un extrait du chapitre III de La Loi Oméga.
Aucun plagiat ne sera toléré, rappelez vous.Toutes remarques, questions sont les bienvenues.
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